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FRANCIA – Puisserguier (Hérault) : Découverte d’une grande nécropole préhistorique.

Le site de Puisserguier, exceptionnel par son état de conservation, dévoile les pratiques funéraires, centrées sur l’incinération des défunts, qui avaient cours entre le IXe et le VIIe siècle avant J.-C. Juste après, la colonisation grecque a bouleversé la société “indigène”.

Sur la nationale 112, les poids lourds se pressent sans se soucier du champ de pierres en contrebas. Percé de trous d’un mètre de diamètre où s’affairent des archéologues tannés par le soleil, aspirateur ou petite truelle à la main, le site semble anodin.

Mais il suffit de se pencher sur l’une de ces cavités pour découvrir des poteries, parfois par dizaines, et de petits objets de bronze. Ce qu’il convient désormais de nommer la nécropole de la Rouquette, à Puisserguier (Hérault), est un ensemble funéraire exceptionnel par sa conservation, datant de l’âge du fer (IXe-VIIe siècle avant J.-C.).

“Ici, on se trouve juste avant la mondialisation“, résume Florent Mazière, responsable de la fouille conduite par l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap). Il couve du regard les quelque 235 tombes mises au jour par son équipe. Sur les 2 800 m2 fouillés, 4 000 vases ont été dénombrés, et près de 600 petits objets métalliques répertoriés.

Ces reliques témoignent des pratiques funéraires des peuples du sud de la France avant sa colonisation par les Grecs. Entamée au VIe siècle, celle-ci devait modifier en profondeur ces sociétés agropastorales, dont on ignore tout et que l’on qualifie d'”indigènes”. “Aucun texte antique ne nous renseigne sur elles, rappelle M. Mazière. Après, on sort de la préhistoire pour basculer dans l’Antiquité. C’est pourquoi ces vestiges archéologiques sont si précieux pour décrire ces bouleversements.“.

L’incinération, introduite vers le Xe siècle, comme l’ont montré d’autres nécropoles proches, à Mailhac (Aude), Castres (Tarn) et Agde (Hérault), est alors la règle. Dans chaque tombe, les restes calcinés du défunt ont été déposés dans un vase, entouré d’une multitude de poteries – vases à boire, coupelles, cratères, grands plats – réalisées à la main et non au tour.

Cette vaisselle s’accompagne parfois d’objets de bronze. Ici, un rasoir à deux faces. Là, une pince à épiler dont la forme n’a pas évolué depuis plus de vingt-cinq siècles. Ici encore, un scalptorium, petit instrument de manucure. Ces menus vestiges permettent de déterminer le sexe du défunt, plus facilement que ne l’autorise l’analyse des éclisses d’ossements qui ont résisté à la crémation, durant laquelle la température pouvait monter à 800 °C. La fusaillole, petit cylindre pour contrôler l’épaisseur des fils de laine, est considérée comme le signe d’une tombe féminine. Très peu d’enfants semblent avoir été enterrés là.

Des petites lames de couteau ont été retrouvées, mais aucune arme digne de ce nom. “Ici, les gens étaient organisés en tribus, pas en royaume. Ils étaient dispersés, sans forces militaires“, déduit M. Mazière, qui imagine “de petites communautés de six à huit familles, dont les préoccupations étaient agricoles“. Les ustensiles guerriers ne feront leur apparition qu’après l’arrivée des Grecs.

Si les tombes comprenaient aussi des victuailles et des parures, comme c’est probable, le temps et les animaux fouisseurs les ont fait disparaître, à l’exception de boutons de bronze, qui devaient servir à tenir des tuniques. Les rares indices d’une activité artistique figurent sur quelques belles poteries bicolores, où chevrons, zébrures et damiers s’entremêlent, incisés dans l’épaisseur de la terre avant cuisson. “La décoration et la facture des céramiques rappellent des formes rencontrées plus au nord“, indique M. Mazière, pour qui la production locale était différente de celle rencontrée “en Ibérie“.

Il est délicat d’imaginer les rites et croyances qui guidaient les pratiques funéraires de ces “indigènes”. Les pierres qui délimitent chaque tombe semblent révéler une organisation pragmatique : les sépultures ne se recouvrent pas, une mémoire du lieu a donc été conservée pendant les huit ou neuf générations de son utilisation. Des tombes plus petites côtoient des sépultures plus larges, dont certaines comptent moins de poteries. “S’agissait-il de tombes d’enfants, de familiers ? Y avait-il partage des poteries entre les héritiers?“, s’interroge M. Mazière.

Un débat l’oppose à Jean-Pierre Giraud, directeur scientifique de l’Inrap, qui fait l’hypothèse que les tombes étaient recouvertes d’un tumulus de pierre et de terre, alors que le jeune chercheur imagine un cimetière fait de “tombes-enclos” séparées par de petits chemins allant de l’une à l’autre. Des études des strates de terre, en cours, permettront peut-être de trancher entre ces deux hypothèses.

Fonte: Le Monde 24/06/04
Autore: Hervé Morin
Cronologia: Protostoria

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